Le pouvoir de la meute

Il y a un aspect de la psychologie de votre chien qui s’avère être le concept le plus Important pour comprendre la relation que vous entretenez avec lui. C’est le concept de meute. La mentalité de meute de votre chien est l’une des forces naturelles qui influe le plus sur son comportement, qui le détermine.

La meute d’un chien est sa force vitale. L’instinct de meute est son instinct principal. Son statut au sein de la meute constitue son être, son identité. La meute est de la plus haute importance pour un chien: si quoi que ce soit menace son harmonie, cela menace également l’har­monie de chacun de ses membres. De même, si quelque chose menace la survie de la meute, cela menace la survie de chaque chien qui la com­pose.

 Le besoin de maintenir la meute dans un état de stabilité, de la faire fonctionner, est une force puissante en chaque chien , même chez un caniche bichonné qui n’a jamais rencontré d’autre chien ou qui n’a jamais quitté son jardin. Pourquoi? Car c’est profondément enraciné dans son esprit: l’évolution et mère nature se sont chargées de ça.

Il est primordial que vous compreniez bien que votre chien envisage tous ses rapports avec les autres chiens, avec vous, et même avec les autres animaux de la maison, dans ce concept de meute.

Il y a de nombreuses différences en­tre la vision du monde des chiens et celle des humains; ces derniers, en fait tous les primates, sont également des animaux de meute. En réa­lité, les meutes de chiens ne sont pas si différentes de leurs équivalents humains. Nous appelons nos meutes « familles », « clubs », « équipes de football », « églises », « entreprises », « gouvernements ». Évidemment, nous pensons que nos groupes sociaux sont infiniment plus complexes que les groupes de chiens, mais sont-ils vraiment si différents ?

 Quand vous les analysez, l’essentiel est le même pour toutes les meutes: elles sont hiérarchisées. Sinon ça ne fonctionne pas.

 Il y a un père ou une mère, un directeur, un directeur général, un président; et les gens qui se trouvent sous leurs ordres ont différents statuts. Une meute de chiens fonctionne de la même manière. Les concepts de meute et de chef de meute sont directement liés à la manière dont votre chien se comporte avec vous quand vous l’ac­cueillez dans votre famille.

 

La meute à l’état naturel

Si vous observez une meute de loups dans la nature, vous verrez qu’il est naturel pour elle de suivre un rythme, tous les jours et toutes les nuits. Tout d’abord, les animaux de la meute marchent parfois jusqu’à dix heures par jour pour trouver de l’eau et de la nourriture .

Puis ils mangent. S’ils tuent une biche. le chef de meute obtient le plus gros morceau, mais tous les autres membres coopèrent et se partagent le reste. Ils mangent jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien – pas seulement parce qu’ils n’ont pas de film alimentaire, mais parce qu’ils ne savent pas quand ils auront une autre biche à se mettre sous la dent. Il se peut que ce qu’ils mangent aujourd’hui doive leur suffire pour un long mo­ment.

C’est de là que vient l’expression « avoir une faim de loup» – vous la vérifierez souvent dans le comportement de votre chien. Les loups ne mangent pas nécessairement quand ils ont faim; ils mangent quand ils trouvent de la nourriture. Leur corps est fait pour la conserver. C’est pourquoi votre propre chien semble avoir un appétit insatiable.

C’est seulement quand ils ont fini leur travail quotidien que les loups et les chiens sauvages jouent. C’est le moment de la fête. Et dans la nature, ils sont généralement épuisés quand ils se couchent. Quand j’observais les chiens à la ferme de mon grand-père, je n’ai jamais vu un seul d’entre eux avoir des cauchemars, comme c’est souvent le cas pour les chiens domestiqués aux États-Unis. Leurs oreilles remuaient, leurs yeux aussi, mais ils ne gémissaient pas, ne poussaient pas de pe­tits cris et ne geignaient pas. Ils étaient si épuisés par leur journée de travail et leurs jeux qu’ils dormaient paisiblement toutes les nuits.

Chaque meute a ses propres rituels: se déplacer, chercher de l’eau et de la nourriture, manger, jouer, se reposer et s’accoupler. Le plus im­portant de tous: la meute a toujours un chef. Le autres animaux sont les suiveurs. Au sein de la meute, les animaux trouvent tous seuls leurs statuts, généralement déterminés par le niveau inné d’énergie de cha­que animal. C’est le chef qui détermine et met en application les règles et les limites auxquelles sont sujets les membres de la meute.

J’ai déjà expliqué que le tout premier chef de meute d’un chiot est sa mère. Depuis leur naissance, les chiots apprennent à être les membres coopératifs d’une société avec l’esprit de meute.

 À environ 3 ou 4 mois, après qu’ils ont été sevrés, ils prennent part à la véritable structure de la meute et emboîtent le pas à leur chef, et non plus à leur mère.

Dans les meutes de loups ou de chiens sauvages, les chefs sont souvent des mâles, car la testostérone  présente chez les chiots mâles dès leur plus jeune âge semble être la clé des comportements dominants .

Vous verrez des chiots mâles monter d’autres chiots, mâles ou femel­les, bien avant qu’ils ne soient sexuellement actifs – eh non, cela ne veut pas dire qu’ils sont bisexuels ! Cela signifie qu’ils reproduisent en jeux les comportements de dominance et de soumission, primordiaux dans leur vie d’adulte.

Bien que les hormones fassent bel et bien partie de ce qui détermine un chef de meute, l’énergie joue un rôle encore plus important. Quand des humains ont plusieurs chiens à la maison, le chien dominant peut aussi bien être le mâle que la femelle. Le genre n’a aucune importance: seul le taux inné (et le type) d’énergie en a. En outre, dans la plupart des meutes, il existe un « couple alpha » – un mâle et une femelle qui semblent se partager le pouvoir. .

Dans la nature, donc, les chefs de meutes sont innés, non acquis. Ils ne suivent pas de cours pour devenir chef; ils ne remplissent pas de fiche de candidature et ne passent pas d’entretien. Les chefs se déclarent très tôt et montrent très jeunes leurs qualités de dominants. C’est l’énergie capitale dont nous avons parlé plus tôt qui sépare le chef des suiveurs.

 Le chef de meute doit être né avec une énergie élevée, voire très élevée. Cette énergie doit par ailleurs être une énergie dominan­te et calme-assurée. Les chiens avec une énergie moyenne, ou basse, ne deviennent pas naturellement des chefs de meute. La plupart des chiens, comme la plupart des hommes, sont nés pour être des suiveurs, non des chefs.

Etre un chef de meute n’implique pas seulement la dominance, cela implique aussi la responsabilité. Pensez à notre propre espèce, et au pourcentage de gens qui aimeraient avoir le pou­voir et les avantages du président. Ensuite dîtes à ces gens qu’en échange, il devront travailler vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, qu’ils ne verront presque jamais leur famille et qu’ils auront très rarement des week-ends de libres. Dîtes-leur qu’ils seront responsables financière­ment de milliers de personnes et de la sécurité nationale de centaines de millions d’autres. Combien d’entre eux choisiraient ces rôles de di­rigeants après avoir été mis au courant de réalités aussi intimidantes? Je crois que la plupart de gens préféreraient des vies simples et con­fortables au pouvoir et à la richesse – il ont vraiment compris ce que coûte le pouvoir en terme de travail et de sacrifices.

De même, dans le monde de chien, c’est le chef de meute qui est responsable de la survie de tous les membres de la meute. Il dirige les recherches d’eau et de nourriture. Il décide du terrain de chasse; dé­cide de qui mange quelle ration et quand, décide de moments pour se reposer, pour dormir ou pour jouer.

 Le chef établit toutes les règles et structures que les autres membres doivent respecter.

Un chef de meute doit avoir une totale confiance en lui. Être sûr de ce qu’il fait. Et tout comme dans le monde des humains, la plupart des chiens sont nés pour suivre plutôt que pour exécuter tout le travail que nécessite la position de chef. La vie est plus simple et moins stressante pour eux quand ils vi­vent avec les règles, limites et restrictions que le chef a mises en place.

Il est important de se rappeler qu’un chien très dominant, à l’énergie élevée, doit avoir pour maître un humain qui a l’énergie, les capacités et les connaissances nécessaires pour être son chef. La personne qui choisit un chien fort et dominant doit aussi s’engager à être le chef et doit prendre cet enga­gement au sérieux.

Les chefs de meute projettent une éner­gie calme-assurée. Même si vous observez une meute de chiens ou de loups pour la première fois, vous ne devriez pas mettre longtemps à déterminer qui en est le chef. Il aura une position de dominance: tête alerte, poitrail en avant, oreilles relevées, queue droite. Parfois, il fanfaronne presque. Les chefs de meute sont des chiens visiblement très confiants: c’est dans leur nature. Ils ne font pas semblant: s’ils essayaient, ils n’y arriveraient pas. Leurs suiveurs, eux, projettent l’énergie que j’appelle «calme-soumise ». Ils marchent avec la tête au niveau de leur corps, ou baissée, et quand ils se déplacent, ils marchent toujours derrière le chef, les oreilles relâchées ou en arrière, remuant la queue, mais qu’ils gardent toujours basse. Si le chef les défie, ils peuvent reculer, se courber, ou même se coucher et se rouler par terre, en montrant leur ventre. En faisant cela, ils disent: « Tu es le chef, je ne le remets pas en cause, et tout ce que tu dis me va. »

Dans la nature, si un chef de meute fait preuve de faiblesse, il se fera at­taquer et sera remplacé par un chien plus fort. Cela est vrai pour toutes les espèces animales qui vivent en systèmes sociaux hiérarchisés. Seul le plus fort dirige. En réalité, si un membre de la meute est trop faible, il ne sera pas toléré. Si un chien est trop faible ou craintif, il se fera agresser par les autres. Aucune espèce animale ne tolère la faiblesse – exceptée la nôtre. C’est l’une des différences les plus intéressantes entre l’être humain moderne et les autres espèces du règne animal. Non seulement nous acceptons la faiblesse chez certains membres de notre meute, mais nous venons même en aide à nos frères et sœurs « faibles » ! Nous rééduquons les personnes en fauteuil roulant; nous prenons soin de nos malades; nous risquons nos vies pour sauver un « membre de la meute » qui risque de ne pas s’en sortir. Les chercheurs ont déjà observé un « comportement altruiste» chez d’autres espèces (particulièrement chez les primates), mais comparés à la plupart des animaux, les êtres humains font preuve de beaucoup plus de « bien-vaillance ».

Diriger ou suivre?

Pour les chiens, il n’y a que deux positions possibles dans une relation. Chef ou suiveur. Dominant ou soumis. C’est tout noir ou tout blanc. Il n’existe pas d’entre-deux dans leur monde. Si un humain veut être capa­ble de contrôler le comportement du chien avec lequel il vit, il doit s’engager à constamment assumer le rôle de chef. C’est aussi simple que ça.

Toutefois, cela ne semble pas aussi évident à la majorité des maitres. Quand nous entendons le mot dominance, nous pouvons penser à un homme qui bat sa femme, à un ivrogne qui se bagarre dans un bar, à une petite brute de la cour de récréation qui extorque l’argent de son déjeuner à l’avorton de la classe ou même à un homme.

Le mot évoque la cruauté. Il est important de se souvenir que dans le règne animal, le mot cruauté n’existe pas. Et la dominance n’est ni un jugement moral, ni une ex­périence affective. C’est simplement un état, un comportement aussi naturel que s’accoupler, manger, ou jouer.

Le mot soumis, dont nous parlons ici, ne sous-entend pas de jugement éthique non plus. Il ne désigne pas une poule mouillée, ou quelqu’un de trop influençable – humain ou animal. Soumis ne signi­fie pas vulnérable, ni inefficace. Ce terme désigne l’énergie et l’état d’esprit d’un suiveur.

Pour toutes les espèces qui vivent en meute, la dominance et la soumission doivent nécessairement exister pour que la hiérarchie fonctionne. Pensez à un bureau rempli d’employés. Que se passerait-il si ceux-ci arrivaient et repartaient tous quand bon leur semble, s’ils prenaient des pauses déjeuner de quatre heures, et s’ils se disputaient à longueur de journée entre eux et avec le patron ? Ce serait le chaos, n’est-ce-pas ? ou ne considérez pas un employé qui arrive à l’heure au travail, qui s’entend bien avec ses collègues et qui accomplit son devoir en créant un minimum de conflits comme quel­qu’un de faible, n’est-ce pas ? non. Vous le trouvez coopératif et le considérez comme un bon membre de l’équipe. Mais pour seulement qu’il y ait une « équipe », cet employé doit accepter un certain degré de soumission. Il doit implicitement comprendre que c’est le patron qui prend les décisions, et que c’est son travail à lui, de le suivre.

Au risque de paraître politiquement incorrecte, je continue donc d’utiliser les termes dominant et soumis. Ils décrivent avec précision la structure sociale naturelle des chiens. Pour un chien, la question de savoir qui est dominant et qui est soumis dans la meute n’entraî­ne aucun jugement, que ce soit une meute de chiens, ou une meute composée seulement d’un chien et d’un humain.

 Un chien ne le prend pas personnellement si vous êtes en position de chef. Mon expérience m’a montré que la plupart des chiens sont soulagés de savoir que c’est leur maître qui dirige. Nous les avons intégrés dans notre monde: il y a donc nombre de décisions quotidiennes et compliquées à prendre, pour lesquelles la nature n’a pas préparé les chiens.

Les chiens ne peu­vent pas héler un taxi, pousser un caddie ou retirer de l’argent au dis­tributeur  du moins, pas sans un dressage très spécialisé ! Les chiens peuvent sentir ces difficultés, et j’ai vu des milliers de bêtes se déten­dre pour la première fois de leur vie après que leur maitre se soit enfin engagé à être un vrai chef. Mais croyez-moi, quand un chien sent que son maître n’est pas à la hauteur du rôle de chef de meute, il intervient pour tenter de combler le vide. C’est dans sa nature de faire cela, d’es­sayer de faire en sorte que la meute fonctionne bien. Pour votre chien, quelqu’un doit nécessairement tenir les rênes. Et quand le chien dé­cide d’endosser ce rôle, cela a souvent des conséquences désastreuses, aussi bien pour lui que pour l’être humain.

Le «  paradoxe des personnes de pouvoir »

Certains hommes de pouvoir sont des personnes très puissantes, habituées à diriger dans tous les domaines de leur vie. Pour ceux qui les entourent, ils projettent une telle éner­gie qu’ils en deviennent presque effrayants ! J’ai vu certains d’entre eux littéralement aboyer des ordres à leurs employés, et ces derniers se recroqueviller au son de leur voix.

Quand on parle de projeter une énergie soumise! Le personnel fait alors des pieds et des mains pour exécuter les ordres de son employeur – et il n’est pas question de savoir qui commande. C’est le comble de l’ironie, ce que j’appelle le « paradoxe des personnes de pouvoir ». Dès que ces person­nes de pouvoir rentrent chez elles, dès qu’elles franchissent la porte d’entrée, elles ne projettent plus qu’une énergie affective à leur chien. « Oh ! Bonjour mon petit chou à moi! Fais un bisou à maman! Oh, mais regardez-moi ce méchant chien, c’est le deuxième canapé que tu manges ce mois-ci. »

Mon but ici n’est pas de me moquer de ces gens, car j’éprouve sin­cèrement de l’empathie pour eux. Essayer d’être celui qui commande dans le monde humain est une expérience incroyablement stressante.

 Je sais qu’il est bon de rentrer chez soi et d’y trouver un adorable ani­mal, de se laisser aller avec lui, d’être en compagnie d’une bête qui ne semble pas vous juger et à qui vous n’avez pas besoin de prouver à chaque instant combien vous êtes génial. C’est une vraie thérapie pour ces personnes de câliner ces gentils chiens poilus. C’est comme un bon bain, chaud et relaxant.

Et par certains côtés, c’est vrai, leurs chiens ne les jugent pas, du moins pas de la manière dont ces gens ont l’habitude d’être jugés. Les chiens se fichent de savoir si leurs maîtres ont 1 million d’euros sur leur compte, une maison à la mer, ou une Ferrari. Ils se fichent de savoir si le dernier album de leur maître a été  disque de platine.

Ils ne remarquent même pas si leur maitre a pris 10 kilos, ou s’il a subi une opération de chi­rurgie esthétique. Toutefois, ce que jugent les chiens, c’est qui est le chef et qui est le suiveur dans la relation. Et quand ces personnes de pouvoir rentrent chez elles et qu’elles laissent leurs chiens leur sauter dessus, quand elles passent leurs soirées à leur donner des friandises, à leur courir après dans toute la maison ou à céder au moindre de leurs caprices, il est alors évident pour ces chiens de rendre leur verdict: la personne qui dans le monde des humains est si imposante est devenue aux yeux du chien, un suiveur. Ces hommes doivent apprendre à devenir des chefs de meute. Ils doivent devenir le genre de chef qu’un chien comprend.

Règles, limites et restrictions

 Dans la nature, un chef de meute établit des règles et s’y tient. Sans règles, une meute ne survivrait pas, peu importe l’espèce. Dans beaucoup de foyers, les règles, limites et restrictions ne sont pas claires , du moins s’il y en a. Tout comme les enfants, les chiens ont besoin de règles, de limites et de restrictions pour être correctement socialisés.

 Les psychologues, pour humains comme pour animaux, appellent cela le « renforcement intermittent », et si vous êtes parent, vous savez sans doute que ce genre de discipline ne fonctionne pas. Si vous permettez un jour à votre enfant de chiper un cookie dans le pot, mais que vous le punissez s ‘il le refait le lendemain, l’enfant recommencera toujours dans l’espoir de s’en sortir impunément une autre fois. C’est la même chose pour les chiens. Le renforcement intermittent des règles est un moyen infaillible pour engendrer un chien instable et déséquilibré. Les humains peuvent changer de vie à 50, 60 ou même 70 ans, et pourtant nous avons bien plus de problèmes que les chiens!

 Un chien acceptera en général un humain comme chef de meute si cet humain projette l’énergie calme-assurée appropriée, s’il établit des règles, des limites et des restrictions fermes, et s’il agit de façon respon­sable pour la survie de la meute.

 Cela ne veut pas dire que nous ne pou­vons pas être des chefs de meute humains. Tout comme les chiens ne devraient pas avoir à renoncer à leur particularité de chiens pour vivre avec nous, nous ne devrions pas avoir à abandonner ce qui est si spécial dans le fait d’être humain.

Nous sommes, par exemple, les seuls chefs de meute qui allons aimer notre chien de la manière dont nous autres humains définissons l’amour. Leur chef de meute canin ne leur achè­tera pas de jouets qui couinent et ne leur organisera pas de petite fête d’anniversaire. Il ne récompensera pas leur bon comportement. Il ne se retournera pas pour leur dire: « Eh bien les gars, merci de m’avoir suivi pendant 15 kilomètres. »  C’est normal qu’ils le fassent ! Une mère chien ne dira pas: « Eh bien, mes petits, comme vous vous êtes très bien conduits aujourd’hui, nous allons à la plage ! ». Dans leur monde natu­rel, la récompense fait partie du processus (c’est un concept que nous autres humains ferions bien de nous rappeler parfois).

Pour un chien, le simple fait de bien s’adapter à la meute et d’aider à assurer sa survie est déjà une récompense en soi. La coopération entraîne automatiquement des récompenses, comme la nourriture, l’eau, les jeux et le repos. Ré­compenser nos chiens en les gâtant et en leur donnant les choses qu’ils aiment est un moyen de créer un lien avec eux et de renforcer leur bon comportement. Mais si nous ne projetons pas une énergie forte de chef avant de leur donner des récompenses, notre « meute » ne fonctionnera jamais vraiment bien.

 

Chef de meute sans abri

 Bien que le lien qui unit l’homme et le chien soit unique pour les deux, nous ne pouvons pas nous contenter de jouer le rôle du meilleur ami, ni celui de l’amoureux des chien, inconsciemment ou non. Quand nous jouons ce rôle, nous satisfaisons automatiquement à nos propres be­soins, et non à ceux de notre chien. C’est nous qui avons constamment besoin d’affection et d’être acceptés de façon inconditionnelle.

Quels chiens, selon vous, comptent parmi les plus heureux et les plus stables sur le plan émotionnel ? Ce sont les chiens qui appartiennent aux sans-abri: il ont bien souvent les vies les plus équilibrées et les plus épanouissantes. Ces chiens ne ressem­blent pas vraiment aux champions mais ils sont presque toujours obéissants et ne sont pas agressifs.

Regardez un sans-abri marcher avec son chien, et vous verrez un bon exemple du langage du corps qu’expriment un chef de meute et un suiveur. Ha­bituellement, le sans-abri ne se sert pas de laisse, pourtant le chien marche en général à ses côtés, ou derrière lui. Il se déplace aux côtés de son chef de meute, de la manière dont l’a voulu la nature.

« Comment leurs chiens pourraient-ils être plus heureux, ils ne peuvent pas leur acheter de la nourriture biologique ! Ils ne peuvent pas les emmener chez le toiletteur deux fois par mois, ni même chez le vétérinaire ! », vous exclamez-vous.

C’est on ne peut plus vrai mais, rappelez-vous, les chiens ne font pas la différence entre de la nourriture biologique et de la nourriture normale; ils ne se pré­occupent pas des toiletteurs; et, dans la nature, il n’y a pas de vétéri­naire. La plupart du temps, les sans-abri n’ont même pas de but précis dans la vie. Certains d’entre eux semblent satisfaits d’aller d’un endroit à un autre, de ramasser des boîtes de conserve. et de chercher un repas et un endroit chaud où passer la nuit.

Beaucoup de gens peuvent trou­ver leur style de vie inacceptable. Mais pour un chien, c’est le train­-train quotidien, idéal et naturel, que la nature a créé pour lui. Il fait les exercices nécessaires dont il a besoin et il est libre de ses mouvements. Dans la nature, tous les animaux ont des « territoires»  certains pe­tits, d’autres plus grands qu’ils aiment arpenter, encore et encore. L’exploration est un trait de caractère naturel pour un animal et, géné­tiquement, cette activité équivaut à la survie car plus un animal explore, plus il a de chances de trouver de l’eau et de la nourriture, et plus il aura d’informations concernant le monde.

À Los Angeles, j’ai remarqué que les chiens qui vivent avec des sans-abri apprennent bien mieux à connaître leur ville que les chiens qui vivent à Bel Air. Le chien de Bel Air a un jardin géant mais, pour lui, c’est juste un grand chenil. Le chien de sans-abri parcourt des kilomètres et des kilomè­tres et va se coucher fatigué.

Le chien de Bel Air se promène dans la maison, va voir l’intérieur de la voiture et le toiletteur, puis va se cou­cher après une autre journée d’énergie réprimée et de frustration.

On ne rend pas un chien équilibré en lui donnant des choses maté­rielles, mais en le laissant exprimer pleinement tous les côtés physi­ques et psychologiques de son être.

En vivant avec un sans-abri, un chien doit trouver sa nourriture. En général, il travaille pour la trou­ver, et, même sans laisse, il existe une relation claire de chef et de sui­veur entre la personne et le chien.

La plupart des personnes qui ont des problèmes pour promener leur chien à cause de toutes les choses qui viennent le distraire et qui le poussent à tirer sur sa laisse, à essayer de s’enfuir ou à aboyer, enfants, voitures et autres chiens, pensent que le problè­me vient du chien. Mais regardez un chien avec un sans-abri: le chien n’est jamais allé dans une école de dressage. Lui et le sans-abri mar­chent dans les rues animées et passent à côté de chats, de promeneurs, de scooters, de personnes avec des petits chiens qui jappent du bout de leur laisse à enrouleur, et pourtant le chien continue d’avancer. C’est ce qui se passe dans la nature: une meute de chiens ou de loups ne resterait jamais unie si ses membres s’enfuyaient constamment et se laissaient distraire par les grenouilles ou les papillons!

Si le chien se laisse distraire, le sans-abri se comporte en chef de meute: il n’a qu’à le regarder ou lui grogner après pour lui rappeler les règles et le rame­ner dans le droit chemin. À la fin de la journée, la personne sans-abri récompensera le chien en lui donnant de la nourriture et de l’affection juste avant de s’installer pour la nuit. Ils partagent une existence très élémentaire qui ressemble probablement beaucoup aux premières relations qu’ont entretenues nos ancêtres avec les chiens .

Qui commande chez vous ?

 Une fois que les gens commencent à saisir les concepts de meute et de chef de meute, en général, ils se demandent « qui est le chef de meute chez moi ». La réponse est  « Qui contrôle la dynamique de votre relation ? »

Votre chien peut vous dire de façon évidente, d’une douzaine de manières différentes, qui de vous deux est le dominant – s’il vous saute des­sus le soir quand vous rentrez chez vous, ce n’est pas seulement parce qu’il est content de vous voir: il est le chef de meute. Si vous ouvrez la porte pour aller le promener et qu’il sort avant vous , ce n’est pas seulement parce qu’il adore aller se promener. Il est le chef de meute.

 S’il vous aboie dessus et que vous le nourrissez ensuite, ce n’est pas « mignon» : il est le chef de meute. Si vous dormez et qu’il vous réveille à 5 heures du matin en vous donnant un coup de patte pour vous dire : « Fais-moi sortir. j’ai besoin d’aller faire pipi, il vous montre avant même le lever du soleil qui commande à la maison. À chaque fois qu’il vous fait faire quelque chose, il est le chef de meute, c’est aussi simple que ça.

La plupart du temps, les chiens sont les chefs de meute dans le mon­de des humains car ces derniers se disent: « ‘est-ce pas adorable ? Il essaie de me dire quelque chose». En effet, il essaie de vous rappeler qu’il est le chef et que vous êtes le suiveur.

Donc, si vous vous réveillez quand vous l’avez décidé, vous êtes le chef de meute. Quand vous ouvrez la porte selon vos conditions, vous êtes le chef de meute. Quand vous sortez de la maison avant votre chien, vous êtes le chef de meute. Quand vous êtes celui qui prend les décisions à la maison, alors vous êtes le chef de meute. Et je ne parle pas de 80%  du temps: si vous n’êtes le chef de votre chien que les trois quarts du temps, votre chien ne sera votre suiveur que les trois quarts du temps. Et le quart qui reste, il le passera à tenir les rênes. Si vous donnez la moindre opportunité à votre chien de vous diriger, il la saisira.

Le danger de n’être que partiellement un chef

 Que se passe-t-il quand vous n’êtes que partiellement le chef de votre chien? J’ai souvent vu des cas dans lesquels l’homme projetait l’éner­gie appropriée de chef, et en avait les comportements, à quelques situa­tions près.  C’est la formule parfaite pour avoir un chien déséquilibré: ne pas savoir quand il doit suivre ou quand il doit être le chef est encore plus perturbant pour lui que d’avoir à être le chef d’un humain.

On rencontre bien plus de cas de chiens obéissants à la maison mais pas obéissants en promenade, que le contraire. Avec des chiens à basse énergie et de nature joyeuse, les conséquences ne seront pas nécessairement graves.

Etre chef, un travail à temps complet

Du jour de leur naissance à celui de leur mort, les chiens ont besoin d’un chef. D’instinct, ils ont besoin de savoir quelle place ils occupent par rapport à nous. En général, les maîtres ont une place dans le cœur de leur chien, mais pas dans leur « meute» : c’est dans ces cas-là que le chien prend le pouvoir.

Ils profitent d’un humain qui les aime mais qui ne les dirige pas. Les chiens ne raisonnent pas. Ils ne pensent pas « Eh bien, c’est génial que cette personne m’aime, cela me fait me sentir si bien que je n’attaquerai plus jamais un autre chien.».  Vous ne pouvez pas dire à un chien ce que vous diriez à un enfant: « Si tu n’es pas sage, tu n’iras pas au parc canin demain ». Un chien ne peut pas faire ce lien. Vous devez montrer à votre chien qui est le chef au moment où le chien a un comportement qui mérite une correction.

Chez vous, tout le monde peut être un chef de meute. En fait, il est primordial que tout humain à la maison soit le chef de meute du chien, du plus jeune enfant au plus vieil adulte. Homme ou femme, tout le monde doit participer au programme. Dans certaines familles, le chien respecte une personne mais fait peu de cas des autres membres de la famille. C’est parfois un moyen de courir à la catastrophe. Le fait d’être un chef de meute ne dépend ni de la taille, ni du poids, ni du sexe, ni de l’âge.

Diriger un chien pendant une promenade est le meilleur moyen d’établir sa position de chef de meute, comme le prouvent les chiens qui vivent avec des sans-abri. C’est une activité primordiale qui crée, et cimente, le lien de chef et de suiveur. Aussi simple que cela puisse paraître, c’est une des clés pour créer de la stabilité dan l’esprit de votre chien.

Chez les chiens qui sont dressés pour des travaux spécifiques, le chef de meute n’a même pas besoin d’être devant. Prenez les huskies de Sibérie: bien que l’être humain, le chef de meute, soit à l’arrière, sur le traîneau, c’est lui qui dirige.  Les chiens qui vivent avec des handi­capés, les personnes en fauteuil roulant. les aveugles, les personnes avec des besoins spécifiques – ont souvent besoin d’être physiquement maîtres de la situation, mais c’est la personne qu’ils aident qui dirige en réalité. C’est très beau de voir un chien vivre avec une personne handicapée. Souvent, les deux semblent partager une sorte de lien surnaturel, un sixième sens. Ils sont tellement en accord que le chien sent souvent, avant de recevoir l’ordre, ce dont son maître a besoin. C’est le genre de lien qu’ont les chiens entre eux dans une meute. Ils ne communiquent pas avec des mots: la communication vient du senti­ment de sécurité qu’ils ressentent au sein de la structure de la meute.

Avec l’énergie calme-assurée appropriée, de la discipline et en étant un chef de meute, vous pouvez, vous aussi, créer ce genre de lien pro­fond avec votre chien. Mais pour y arriver, il est important que vous soyez conscient des choses que vous pouvez faire par inadvertance et qui participent aux problèmes de votre chien.